L’exploit appartient à ceux qui dorment beaucoup

Article réalisé pour le magazine InVivo n°24 et LargeNetwork.Photo by Todd Quackenbush on Unsplash


Noam Yaron vient de traverser à la nage 75 kilomètres du lac Léman en moins de vingt heures. Le jeune sportif raconte comment une bonne gestion du sommeil a contribué à la réussite de cet effort hors norme.

Entraînement technique, musculaire et cardiologique, gestion de l’alimentation, de l’hydratation, de la respiration et de la souplesse, suivi médical et façonnement psychologique sont désormais les standards de préparation physique des sportifs d’élite. Pour établir le nouveau record de la traversée du lac Léman à la nage, Noam Yaron a néanmoins dû les dépasser : nager 75 km pendant 19 heures et 53 minutes a surtout nécessité un travail sur l’hygiène de son sommeil.

« Les nombreux conseils trouvés sur la Toile ne suffisent pas pour préparer son corps et son esprit à un tel challenge. Avoir un encadrement professionnel et le sens du détail sont des indispensables, car de la préparation physique au matériel, en passant par les sponsors, tout a une importance capitale pour la réussite d’une telle performance », indique d’emblée Noam Yaron. De plus, l’exploit n’est pas à portée de tous.tes, car le jeune Vaudois de 24 ans est avant tout un sportif d’élite, ancien champion suisse junior de nage en eau libre.

Il a commencé son entraînement en janvier pour accomplir sa performance à la mi-juillet 2021. « J’ai pas mal couru au début pour améliorer mon endurance et j’ai perfectionné mes capacités cardiologiques et musculaires en salle. » Comme à l’époque, les piscines étaient fermées pour cause de pandémie, il n’a pas beaucoup nagé lors de sa préparation. « Mon entourage doutait de ma capacité à réussir cet exploit. Il faut dire que j’ai dû limiter mon entraînement, car en hiver, le lac est très froid. Je me suis jeté dans de l’eau à 4°C degrés pendant une heure et demie en février ! »

Pour cette performance d’approximativement vingt-quatre heures de nage et une période de trente heures d’éveil, selon les bases du précédent record, une préparation particulière a été nécessaire pour gérer la phase nocturne. Afin de sécuriser la nage de nuit, l’équipe de Noam Yaron a imaginé un système de ligne d’eau munie d’un éclairage bleu tiré par un bateau. La couleur spécifique de l’éclairage a été suggérée par le Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) du CHUV. « La lumière bleue aide à rester éveillé durant la nuit, car elle indique, via les voies visuelles, à notre horloge biologique interne qu’il fait jour et limite la libération de la mélatonine, explique Virginie Bayon, médecin associée au CIRS. Ainsi, un état dynamique et d’alerte est maintenu. Nous lui avons également conseillé d’effectuer, si possible, des pauses plus longues au cours de la nuit. »

L’équipe du CIRS a proposé au nageur un programme de gestion du sommeil sur la base de son hygiène de vie pour améliorer sa santé physiologique et psychologique, avec des conséquences positives sur ses performances sportives. Sevrage de caféine, réduction du temps d’écrans le soir et extension du temps de sommeil de neuf à dix heures par nuit ont ainsi rythmé la préparation de Noam Yaron.

Le sommeil comme entraînement

Les avantages de l’hygiène du sommeil pour les performances sportives ont été mal étudiés jusqu’à présent, mais les chercheureuses et les sportifives y portent désormais un intérêt grandissant. Pendant le sommeil, les muscles se réparent et les cellules se régénèrent notamment grâce à une hormone de croissance sécrétée pendant le sommeil profond. Il y a ainsi des conséquences non négligeables sur la santé physique, mais aussi mentale. « Tous les mécanismes physiologiques ne sont pas complètement élucidés, mais les bénéfices sont clairs », précise Mathieu Berger, chercheur postdoctoral au CIRS.

Un trouble du sommeil, comme l’apnée ou l’insomnie, peut favoriser des problèmes métaboliques et cardiovasculaires. « Nous effectuons des bilans qui évaluent la qualité du sommeil. L’objectif est de vérifier l’absence de pathologies du sommeil dans un premier temps, avant d’optimiser le sommeil dans un second temps. » Sur ces bases, l’équipe du CIRS a formulé des recommandations, tant sur l’hygiène du sommeil avant l’événement que sur le comportement à adopter pendant la performance de Noam Yaron, avec le succès que l’on sait.

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