Insuline et médecine, destins croisés
Article réalisé pour la revue InVivo n°21 et LargeNetwork. Photo by Mykenzie Johnson on Unsplash
L’insuline permet de réguler l’utilisation du glucose dans l’organisme. L’usage médical de cette hormone est directement lié à la compréhension du diabète.
L’insuline est une hormone sécrétée par le pancréas réglant l’utilisation du glucose. Elle fait cruellement défaut aux diabétiques. Du lien découvert au XIXe siècle entre pancréas et diabète, à l’utilisation thérapeutique de ses versions biotechnologiques, l’insuline ponctue aussi les grandes pages de la médecine.
C’est le physiologiste lyonnais Claude Bernard qui a le premier relié le diabète au pancréas, vers 1850. « Ses travaux posent les fondements de la physiologie moderne », raconte Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Ils ont conduit, en 1889, à l’identification d’îlots de sécrétion par le biologiste allemand Paul Langerhans. Il faudra plusieurs décennies pour confirmer que la substance sécrétée par ces îlots corrige le diabète, puis qu’un peptide en soit isolé et baptisé insuline, du latin insula pour île.
Il y a cent ans, les Canadiens Frederik Banting et Charles Best ont réussi à isoler, purifier et injecter l’insuline à des animaux rendus diabétiques, qui, eux, ont répondu au traitement. Une prouesse qui leur valut le prix Nobel. La technique de purification a ensuite été affinée et adaptée à la grande production et brevetée. Jugeant que l’insuline devait rester accessible au plus grand nombre, le brevet a été vendu pour 1 dollar à l’Université de Toronto, avec une clause éthique interdisant son utilisation à but de profit.
« L’insuline purifiée d’origine porcine a été utilisée pour traiter le diabète jusqu’aux années 1980. Une fois établie sa séquence humaine – un peptide de 51 acides aminés –, elle est devenue le premier médicament à bénéficier d’une production biotechnologique », indique le pharmacologue. En effet, les techniques d’ADN recombinant ont ouvert la voie à l’utilisation de levures et de bactéries génétiquement modifiées avec de l’ADN d’insuline humaine pour la fabriquer.
« Elle est toujours obtenue ainsi, mais divers raffinements lui ont été apportés, modulant son profil d’effets », précise Thierry Buclin. « Les nouvelles méthodes de monitoring de la glycémie ont toutefois eu plus d’impact que les améliorations de la molécule. » Celles-ci sous-entendent également que de nouveaux brevets ont été pris pour sa production, s’accompagnant d’une flambée des prix de vente. « Un outrage aux valeurs des pères de l’insulinothérapie ! Elle représente cependant un modèle d’intelligence médicale, où une technologie remarquable vient suppléer au manque d’une substance vitale que l’organisme ne sait plus produire. »